Une bouteille à la mer...
Autrefois, quand l'homme était perdu sur un bateau ivre, à la dérive, il vidait sa bonne vieille bouteille de scotch ou de rhum, y glissait un vieux rouleau de papier sur lequel il avait griffonné quelques mots d'appel au secours, ainsi que l'orientation très approximative de son voyage. Et puis, quelques orages plus tard, le vieux flacon venait s'échouer sur une plage où quelqu'un le ramassait, le lisait, émerveillé autant qu'ému, et s'empressait de prévenir les gardes côtes, ou les pirates les plus téméraires, qui s'en allaient à la recherche de l'expéditeur, quelque part au large.
Aujourd'hui, sur son yacht branché, un autre homme, relié au reste du monde par satellite grâce à son ordinateur de bord, tape un message sur son clavier, enregistre les expressions de son visage un peu stressé à travers les ondes d'une webcam intégrée au PC, donne sa position exacte grâce à son GPS ultra-performant, et dans les minutes qui suivent, un super-puma de l'armée de l'air déroule sa corde au-dessus des vagues qui entourent le naufragé d'un quart d'heure...
Mais toi, maintenant, là-haut, si près d'ici, ma Véronique disparue, tu n'as pas besoin de tout cela. Quand tu veux envoyer une bouteille à la mer, pour nous dire que tout va bien, que flotter dans les nuages est un plaisir divin, que traverser la terre, ou les murs, ou le jardin, l'air de rien, est enfantin, tu te loges au creux du plus intime de nous-mêmes, là où nous sommes un peu toi, là où tu es un peu nous et, par un silence appuyé, tu communiques ta présence dans l'instant. Et c'est là que j'entends comme un "je t'aime" qui se murmure doucement...